Il y a 4 semaines
lundi 26 janvier 2009
On est pas à Thoiry merde !
Après avoir relu ce dossier de La Presse du samedi 24 janvier intitulé "Grandir à Montréal-Nord" où l'on appelle "Bronx", "Port-au-Prince PQ" ou bien "cité" le quadrilatère formé par les rues Henri-Bourassa/Léger/Lacordaire/Langelier, cette scène de "La Haine" où les trois comparses se font apostropher par les journalistes m'est revenue:
"Est-ce que vous étiez aux émeutes ?"
"Mais madame on a l'air de délinquants ?"
"Non..."
"Ben pourquoi tu descends pas de ta voiture ? Pourquoi tu restes là-haut ?"
Et Vince d'ajouter: "On est pas à Thoiry merde"
Le Parc de Thoiry est un peu comme le Parc Safari chez nous, un zoo qu'on peut visiter en voiture.
Bon, on en est pas là quand même avec les articles de La Presse, les journalistes sont descendus de leur voiture, ils sont même allé jusqu'à fouiller dans la boîte à lunch des petits de l'école Jules-Verne... Ça c'est de l'enquête, preuve de sandwiches à l'appui !
Pour avoir grandi tout près du "Bronx" de Montréal, tout comme mes parents, je dois dire que l'école secondaire Henri-Bourassa (en face de Jules-Verne) a toujours fasciné notre imaginaire d'ados par ses histoires de bagarres violentes et de profs suppléants qui recevaient des poubelles derrière la tête.
Quand j'ai débuté à travailler sur le projet Mon rêve à la radio avec mes jeunes "raccrocheurs" de la "cité", je me suis rendu pour la première fois de ma vie à "Port-au-Prince, PQ", le local des ateliers radio étant à la Maison de la Culture de Montréal-Nord, à deux pas de l'école Jules-Verne. Pour être honnête, j'y allais avec un peu d'anxiété, comme la première fois où je suis allé dans une favela à Rio ou dans une Fête à Port-of-Spain. Et bien comme pour la favela ou Trinidad, et bien... et bien rien. Des gens, des vieux, des hommes, des femmes, des jeunes, qui vaquent à leurs activités. La petite vie ordinaire quoi ! Difficile oui mais rien de bien méchant, des incidents isolés et même en diminution apparemment.
Donc voilà, quand j'ai vu les gros titres de La Presse à coup de "Bronx" et "Port-au-Prince PQ", j'étais fâché, un peu scandalisé. Si j'habitais ce quartier, et je pense aux jeunes que je côtoie, géniaux, courageux, dynamiques mais encore une fois mis en boîte et marginalisés, je serais insulté.
Après avoir dormi là-dessus, relu le dossier ce matin et consulté le complément multimédia, j'avoue que je doute. Oui c'est vrai La Presse, si ce n'est de Foglia, ne m'émeut pas plus qu'une circulaire de IGA depuis son tournant couleur-numérique. Elle fait de plus en plus dans le misérabilisme mais de façon plus perverse encore que le journal de "mourial", sans compter l'abondance d'articles insignifiants, tassés dans les racoins par la publicité omniprésente. Mais quand on lit plus loin que les gros titres, il y a quand même matière à réflexion dans ce dossier (voir plus bas), on trace un portrait pas trop complaisant, il y a l'exemple positif de Jonas et un contre-poids aux titres chocs amené par la chronique "Le Bronx ? Pas encore" de Marie-Claude Lortie. De plus le contenu vidéo est intéressant, on voit Montréal-Nord via le regard des jeunes qui y habitent (pour moi c'est la voie à suivre, c'est plus fidèle qu'un regard snob de l'extérieur). Et le dossier s'est poursuivi dimanche, pas eu le temps de lire encore, il y a du stock comme on dit, il y a un travail de recherche, il faut respecter ça.
En même temps je me questionne sur le travail de journalisme qui a été fait. Des journalistes qui ne sont pas tous de mauvaise foi je l'espère, tiraillés entre la vente de copies, le poids éditorial du propriétaire et du rédacteur en chef, les moyens, le temps... et le désir de tout journaliste d'enquête, mettre au grand jour une réalité méconnue, un sujet choc traité par un reportage de "fond" et "éthique" qui aura un impact. Bref, est que ce dossier de La Presse c'est du bon journalisme malgré tout ? Est-ce que ça peut faire bouger les choses ou c'est seulement du voyeurisme ? Parce qu'après la constatation, on se demande quelles solutions, quel impact à long terme ?
J'aimerais beaucoup avoir vos commentaires sur le sujet et les français d'entre-vous par exemple, qui vivent avec la problématique des cités et banlieues depuis un bout, comment voyez-vous la chose ?
Je ne m'embarquerai pas dans le contenu même du dossier et des réflexions qu'il dégage en moi au retour d'une expérience de coopération internationale. L'éducation des enfants c'est relatif et délicat. D'une culture à une autre les approches sont différentes. L'universalisation des droits de l'enfant et l'apparition d'institutions comme la DPJ au niveau québécois, ou d'ONG luttant pour le droit des enfants comme Plan à l'international, bien nobles qu'elles soient, ont peut-être fait que les approches dites modernes et institutionnalisées entrent maintenant en conflit avec l'éducation traditionnelle reçue en famille. Un constat fait au Mali, un constat fait ici dans la communauté haïtienne... un sujet complexe qui mérite d'être approfondi et étudié, peut-être une autre fois... et dire qu'on pensait en avoir fini avec les "accommodements raisonnables"...
p.s. en faisant mes recherches pour retrouver cette scène de La Haine, je suis tombé sur cette perspective intéressante, Pour en finir avec "La Haine", un article de Pascal Tessaud, réalisateur de "Slam-ce qui nous brûle".
S'abonner à :
Publier des commentaires (Atom)
4 commentaires:
Hey JP,
Je suis allé à Haiti avec Caroline, une des journalistes qui a écrit dans le dossier en question.
Elle doit encore parler créole tout comme moi. C'est une idéaliste qui a réussi à trouver une voix pour dénoncer et informer les injustices en général, mais je sais que la cause haïtienne lui tient particulièrement à cœur.
Je suis certain qu'il y a une voix éditoriale forte qui dicte la façon dont on dit les choses à LA PRESSE mais je crois que son travail reste essentiel.
D'ailleurs, je suis sûre que tu t'entendrais bien avec!
À+ Vince
En tout cas moi je serais intéressé à organiser une table ronde "à la Christiane" sur le dossier samedi prochain à Masala avec elle et des intervenants qui travaillent ds le "Bronx"
C'est bcp de travail pour un bénévole mais ça peut être intéressant :)
as-tu un contact plus intime que le courriel de La Presse ?
emondjp at gmail
JP
Ouais comme je te le disais, je suis d'accord avec Vince et je pense que le regard critique doit se tourner vers les rédacteurs en chef. C'est eux qui décident de la forme et des limites du contenu et ce sont eux qui prennent leurs ordres directement des actionnaires et des chiffres de ventes.
ouais oubliez ça la table ronde, Christianne est sur le coup right now
Publier un commentaire