Pour ceux qui ne sont pas encore convaincus pour ce soir...
Maga Bo: Toutes basses unies
Philippe RenaudLa Presse, samedi 6 octobre
Les nuits de Montréal n'ont plus tout à fait le même goût depuis que les DJ de l'émission radiophonique Masala (en cuisine indienne, le mot signifie «mélange d'épices»), diffusée sur les ondes de CISM, y ont rajouté leur grain de poivre. Jugez-en par vous-même, ce soir au Coda, dans une soirée Baile MTL inscrite à l'horaire de Pop Montréal.
Les soirées Baile MTL sont à l'image des goûts musicaux des DJ: un melting-pot de musiques urbaines originaires du Brésil, de Trinidad-et-Tobago, de la Jamaïque, d'Afrique, de l'Inde... En collaboration avec Pop Montréal, la soirée Baile MTL accueille ce soir dj/rupture, Filastine et l'Américain Maga Bo, véritable tête chercheuse des tendances exotiques, attrapé lors de son transit à New York, entre Rio et Montréal.Originaire de Seattle mais établi à Rio de Janiero, Maga Bo est le Dr Livingstone de ce que d'aucuns ont baptisé la «nouvelle musique du monde», une collection de styles urbains (lire: boostés aux basses fréquences et taillés pour les planchers de danse) portant la marque de leur contrée d'origine. Un sacré fouineur, qui expose aux néophytes des rythmes de danse furieux, passionnants et, surtout, exotiques.
Les plus connus d'entre eux: le reggaeton, le dancehall jamaïcain, le soca trinidadien, le funk de Rio, et le bhangra, genre de pop indienne et pakistanaise apparu au courant des années 80. Maga Bo, lui, est déjà ailleurs: en attendant que s'essouffle la mode du kuduro - une musique de danse rigide et vigoureuse, inspirée par le techno et le house, originaire d'Angola -, le musicien, DJ, réalisateur et ingénieur du son jette déjà son dévolu sur le prochain style urbain qu'il nous faudra découvrir, la cumbia, très populaire en Amérique latine (surtout) et dont la rythmique n'est pas sans rappeler le style one-drop chaloupé du reggae.
Pour la plupart, ces genres musicaux existent depuis une vingtaine d'années. Ce qui est nouveau, ici, c'est l'intérêt des masses nord-américaine et européenne pour ses gros beats venus d'ailleurs.
«La première fois que les gars de Baile MTL m'ont invité, c'était en décembre dernier, se rappelle Maga Bo. Une super soirée. C'est vrai, je suis de plus en plus invité à me produire, aux États-Unis, en Europe... Je pense qu'on assiste à une ouverture, un nouvel intérêt, pour ces musiques originaires d'ailleurs.»
«Je m'intéresse aux nouvelles tendances musicales qui émergent partout dans le monde», dit ce chasseur de sons qui traque les obscurs mixtapes et les producteurs méconnus de la Tanzanie au Sénégal (d'où il revient, pour récolter de nouvelles influences musicales et travailler sur un documentaire animalier), du Maroc au Chili.
L'ouverture est si marquée qu'il est désormais de bon ton d'étiqueter ces genres (dont M.I.A. s'est fait l'ambassadrice officieuse) de «nouvelle musique du monde». Une appellation qu'abhorre Maga Bo. «C'est non seulement inexact, mais c'est réducteur, peste-t-il. De même que, il n'y a pas si longtemps, on appelait toutes les musiques d'ailleurs du world beat, comme si la musique de la Thaïlande et celle d'Afrique du Sud étaient les mêmes. La vérité, c'est que les Britney Spears et 50 Cent, ces grosses bombes commerciales américaines qui tournent sur toutes les radios de la planète, c'est ça, la musique du monde!»
Puisque rien ne se perd, ce sont ces musiques, rap, techno, house, breakbeat, qui fournissent aux artistes kuduro, kwaito et autres hiplife l'étincelle pour embraser leurs propres influences musicales et faire danser les mélomanes en quête d'exotisme. Les Montréalais de Baile MTL, les artistes de l'étiquette Soot Records en vedette ce soir, le patron dj/rupture, Filastine et Maga Bo, servent ainsi de passerelle entre deux publics que des milliers de kilomètres séparent.
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