samedi 14 avril 2007

Hip Hop Is Dead pt.1


Je profite du passage à Montréal du plus grand auteur du rap, Nas, pour vous parler de ce livre passionnant écrit par Nik Cohn, Triksta.

Guillaume m'a prêté ce bouquin il y a quelques semaines et j'ai dévoré avant-hier le chapître intitulé Real Niggaz, qui retrace l'histoire du hip-hop, des années 76 à 2000. En voilà un résumé en deux parties. Désolé pour la méthode non-universitaire and sorry for the anglos, i'm reading the french translation, but you can refer to this article, even if they found the Real Niggaz chapter is dispensable, which is very interesting according to me.

D'abord Cohn commence en parlant de sa désillusion face au rock des années 70 et de ce nouveau truc qui démarrait dans le Bronx.

"Pendant les années 70, à l'époque de mon installation en Amérique, j'avais complètement cessé de m'intéresser aux vieillards cacochymes qui torturaient une guitare. L'hypothèse centrale du rock d'alors, pré-punk, était que la musique pouvait changer le monde. Je n'y croyais pas, pas plus qu'en un nirvana acide de karma instatanné. Je ne croyais pas que l'amour est tout ce dont nous avons besoin, ni que les réponses nous sont apportées par le vent( allusion aux Beatles et à Dylan), et je pensais qu'«Imagine» est plus ou moins le morceau le plus cruche jamais écrit. La musique qui me touche ne se préoccupe pas de métaphysique de pacotille; elle est dure et coriace, et elle est l'écho des lieux d'où elle vient, du bruit des rues. Le moment où quelque chose de nouveau surgit d'en bas en bouillonant, plein de sexe et de fureur, juste avant que l'industrie de la musique l'enchaîne et en fasse une marchandise - de ça, je ne me suis jamais lassé."

Et v'lan dans les dents! Je me suis régalé de ce passage. J'ai souvent tenté de décrire la musique que j'aime et pourquoi le rock et le indie me laissait souvent indifférent. Entendre un petit blanc bourgeois se plaindre que la vie est difficile derrière ses trois accords en mineur se rapproche plutôt de la masturbation intellectuelle quant à moi et ça m'ennuie profondément. C'est pouquoi j'ai toujours préféré la musique noire, ou le rock qui en découlait. Et ça fait toujours du bien d'entendre quelqu'un dire que les Beatles, ça l'emmerde :)

"Ce qui me fait réagir, par-dessus tout, c'est la façon dont la musique noire joue avec le temps, sans jamais tomber d'applomb sur la mesure, se glissant avant, autour et après elle, toujours à la taquiner. La majorité du rock blanc, en comparaison, donne une impression de lourdeur. Quatre temps simpliste, boum, boum, boum, ou est la grâce là-dedans ? Or, parmi les rockers blancs, ceux que j'aime le plus , comme Elvis, ont un rythme souple , proche du blues.
Quand la musique noire est bonne, elle vous nettoie. Il y a là une franchise, une honnêteté profonde qui me semble être la vérité nue. Quelle qu'en soit la forme nominale - country blues ou blues urbain, R&B, soul, jazz -, ses racines plongent toujours dans une église."


Et de là, Cohn enchaîne sur les origines du hip hop, de ses créateurs, Kool Herc, Grandmaster Flash, Afrika Bambaataa, ... Il parle de l'ambiance joyeuse qui règnait dans les block partys et de la foule diversifiée qui s'y retrouvait (Noirs américains, Hispaniques, Caribéens, Asiatiques et Blancs).

"S'il existait un dénominateur commun, c'était la classe sociale bien davantage que la race. Le hip-hop a été créé en douce, par et pour les exclus, et son message de base était le défi à travers la fête:
Nous on est là, fils de putes. On est toujours vivants. Venez voir, on est plus vivants que vous.
Le nous est très important. Le hip-hop à ses débuts, était essentiellement communautaire. Même Kool Herc et Grandmaster Flash étaient considérés comme des partenaires, pas comme des célébrités distantes. C'était une société secrète dans laquelle chaque initié avait une voix.
Les vêtements faisaient partie du défi. Ils tournaient en dérision la richesse et le chic traditionnel, se délectaient d'un humour naturel. De manière typique, de faux logos Gucci étaient cousus sur des vestes en jean ou sur des baskets, les colifichets étaient de gigantesques médaillons imitation or ou des bracelets en verroterie. Les produits de consommation de masse étaient regardés avec mépris."


La dernière phrase est assez frappante si l'on compare avec ce qui se passe aujourd'hui dans la "culture" hip hop. Tous ces costumes vestimentaires me font penser aux carnavals qui ont lieu dans les Antilles, au Brésil et en Nouvelles-Orléans, qui dérivent de traditions africaines et qui tournent en dérision les instances colonisatrices au pouvoir.

Pour l'opinion générale, cette masquarade n'allait pas durer bien longtemps mais avec l'âge d'or du hip hop de la fin des années 80 et la menace subversive qu'elle représentait, l'indifférence ou le snobisme s'est tranformé en une campagne de discréditation, et ce à l'intérieur
même de la communauté.

"La plus grande partie de ses détracteurs étaient des Noirs A&R (Artists & Repertoire) qui avaient grandi dans le jazz et le rhythm'n'blues et qui se sentaient menacés en profondeur. Le rap symbolisait tout ce qu'ils avaient réussi à dépasser - toute cette merde illettrée du ghetto - et ils n'attendaient qu'une chose, danser sur sa tombe. À l'exception de Sylvia Robinson chez Sugar Hill et de Russell Simmons chez Def Jam, la majorité des premiers commanditaires du rap étaient juifs."

"La majorité des premiers commanditaires du rap étaient juifs". Voilà qui fait sourire, surtout quand je pense à tous les blacks qui se plaignent tout le temps que les blancs n'ont jamais rien compris au rap et qu'ils le commercialisent mal. Mais autant chez les Blancs que chez les Noirs, on a critiqué le rap et essayé de le démolir de façon pernicieuse.

"La critique principale, chez les Noirs comme chez les Blancs, était que le rap n'était pas de la musique. On aurait pu penser qu'une industrie qui s'engraissait avec Olivia Newton-John et les Bay City Rollers se serait gardée de porter des jugements esthétiques. (...) Ces paniques ne sont pas tant provoquées par l'amour de l'art pour l'art que par une paresse crasse. Il n'existe pas de secteur professionnel plus parasitique que l'industrie du disque."

Boom! Et après, Cohn d'y aller avec une citation de Dominick Corso, politicien de New York, toute à l'image de la société d'aujourd'hui: "Vous croyez qu'il faut du cran pour défendre ce qui est juste? Pas besoin de cran. Mais il faut du cran pour défendre ce que vous savez être injuste, jour après jour, année après année." J'adore.

Ce qui me ramène à l'entrevue que Nas a accordé au Mirror cette semaine. À la question "If you ruled the world now, what would you do different?", Nas répond: "I would give people the truth. Give people the understanding taht life could be better. I'd break down each reason why and hire the right people for the right jobs."


Bientôt, la suite portant sur l'avénement du gangsta rap. "Parmi tout ce que Ronald Reagan nous a légué, il ne faut pas oublier qu'il est le parrain du gangsta rap."


Triksta de Nik Cohn est paru aux Éditions de l'Olivier en 2006

1 commentaire:

Anonyme a dit...

ça donne envie de lire